mercredi 25 mai 2016

Séance du 21 mai 2016: Le temps d’apprendre à vivre Georges-Emmanuel Clancier



Le temps d’apprendre à vivre
Georges-Emmanuel Clancier
par Béatrice Marchal 
 
Béatrice Marchal, Présidente du Cercle Aliénor
Béatrice Marchal, Présidente du Cercle Aliénor
Ces Mémoires couvrent l’histoire personnelle de GEC de 1935 à 1947, marquée par des rencontres avec  de nombreux poètes, écrivains et peintres de talent. Elle est bien sûr inséparable de l’Histoire, en particulier de la seconde guerre où son action dans la revue Fontaine témoigne du rôle de la poésie  dans la Résistance.
Dans un court Prologue, GEC justifie son projet d’autobiographie en montrant précisément combien histoire personnelle et collective sont liées. Puis commence son histoire personnelle, d’abord marquée par l’expérience de la maladie.  Si GEC a d’abord dû « apprendre à survivre », la tuberculose l’a mené à la lecture : « durant ces quatre ou cinq années depuis 1930-1931, je pourrais dire que pour moi vivre s’était quasiment identifié à livre ». Il appartient en outre à une génération dont les pères ont été sur le front en 14-18. Ce qui n’est pas sans expliquer le rôle salvateur que ces jeunes gens assigneront à la poésie.
Sa réserve à l’égard de la politique n’a d’égal que son « élan pour et vers une pleine libération, un plein épanouissement de la personne » : la poésie lui semble « porter témoignage et incarner l’espérance » de « l’aspiration humaine à la plénitude de l’esprit du cœur, du corps, de l’être tout entier ».
Sur l’enfant GE opère la bénéfique influence de ses grands-parents maternels, Marie-Louise et son mari, Jules Reix, dont l’humour participe à l’éducation politique de l’enfant. La vie à Limoges lui permet d’engranger les graines de ses œuvres futures : ainsi de la fenêtre du studio de Robert Margerit, la vue qu’il découvre sur l’« observatoire », dont la place est essentielle dans L’Eternité plus un jour.
1937, paraît une longue nouvelle « La Couleuvre du dimanche »
Après la guérison, vient l’obligation de trouver un emploi : « moi, j’aurais à seconder mon père dans son commerce ». Le 11 mars 1939, GE épouse Yvonne Gravelat, interne des hôpitaux. Au grand dam de ses beaux-parents : « Si au moins il avait pu la marier à un pharmacien ! Eh bien, non, et elle épousait quoi ?...un poète ». La vision idéalisée que GE expose alors de l’amour n’empêche cependant pas les jeunes mariés de se préoccuper de leur avenir matériel : ils vont vivre à Paris où Yvonne poursuivra ses études afin d’obtenir un poste en psychiatrie et GE passera son bac de philo (la tuberculose l’ayant forcé à interrompre ses études après son premier bac).  « J’allais « bachoter » sur l’un des bancs du parc Montsouris… une fois refermés mes manuels de l’écolier, je redevenais « l’écrivain » tout juste échappé de sa quasi-solitude limousine et impatient de rencontrer les poètes et auteurs qu’il admirait ». Il insiste sur la volonté qu’il a déjà « de [s]e vouer à l’écriture d’une œuvre poétique et romanesque ». Au printemps 39, GEC figure au nombre des poètes publiés par la revue Les Nouvelles Lettres , fondée par Jacques et Raïssa Maritain, dirigée par le jeune Jean Le Louët.

            Mais la guerre va contrecarrer le projet du couple de rester à Paris, c’est le retour en Limousin. Plus que jamais, GEC ne se pardonne pas d’être exempté du sort de ses amis mobilisés.
Après Saint-Junien, où Yvonne remplace un médecin mobilisé, voici Limoges où elle ouvre un cabinet de médecin généraliste. GE, toujours employé par son père, poursuit sa licence de philo à Toulouse. Il va obtenir un poste de secrétaire au Comité d’Organisation des commerces de l’alimentation, le COCA, où il fera jusqu’à la fin de la guerre un travail bureaucratique qui « l’ennuie ferme » mais lui assure un salaire.
En juin 42, GEC est accusé, ainsi que Jean Cassou, d’être « poètes », « communistes et gaullistes ». La vie sous l’occupation se poursuit, GEC évoque, entre autres, le sabordage de la flotte française à Toulon et du Figaro à Lyon, en 1942. Début 1943 la naissance de Juliette est une lueur d’espérance. A la suite d’un interrogatoire, à cause d’une lettre interceptée en provenance de Tanger, GEC quitte Limoges avec femme et enfant, chez de vieux amis au village de Ribière, dans une zone contrôlée par Georges Guingouin, le « préfet du maquis » qui sauvera Limoges à la Libération. Vie à l’abri des privations alimentaires, dans un calme relatif, marquée par la nouvelle du débarquement allié en juin 44 mais aussi, du massacre de Tulle le 9, et le 10 d’Oradour-sur-Glane ; la terreur nazie et les massacres se déchaînent. C’est également le début des règlements de compte, aux multiples atrocités.
Limoges est libéré sans combat le 21 juin 44. GEC s’amuse alors des réactions inattendues et stupéfiantes de certains, Jean le Bail son maître vénéré, le docteur Bauer…
Puis, sur la recommandation de Marc Bernard qui fait valoir son rôle dans Fontaine pendant la guerre, GEC devient rédacteur en chef du journal parlé de Radio-Limoges ; il prend son nouveau travail de journaliste très à cœur : « je considérais que l’essentiel de mon trav            ail, une fois préparées et assurées mes émissions personnelles, devait être l’élaboration d’un plan de développement du journal radiophonique afin qu’il couvre l’ensemble des activités de la région : sociales, culturelles, économiques, etc ». GEC, qui ne parvient pas à être payé pour son travail à Radio-Limoges, est engagé au journal Le Populaire du Centre comme « grand reporter ». Il fonde avec René Rougerie la revue Centres. Son activité littéraire de GEC se poursuit, sont publiés plusieurs romans Quadrille sur la tour, La Couronne de vie et bientôt Secours au spectateur.
Vient l’évocation avec la même lucidité indignée, en 45 de la poche de Royan, du massacre de Sétif, d’Hiroshima et en 46-47, alors qu’à sa connaissance on ne parlait pas encore de la Shoah, de l’attente au Lutetia des déportés en Allemagne.
La vie familiale est marquée par la naissance en 1946 de Sylvestre, et le travail du journaliste par une grande enquête sur la décolonisation, par des entretiens intégralement retranscrits avec Pham Van Ky, Jean Amrouche, Léopold Sédar Senghor et Michel Leiris, au retour de sa nouvelle mission en Afrique.
*
Les rencontres sont essentielles dans la vie de GEC. La première, déterminante, est, en 1937, celle de Jean Blanzat (à qui sera confiée, après la guerre, la direction des éditions Grasset) : il est alors instituteur en région parisienne, GEC a lu de lui trois livres. Il va devenir, par sa présence, ses paroles interrogatives ou encourageantes, son « maître à penser ».
A Limoges, le jeune GE fréquente l’association Les Amis de la culture, qui organise des conférences. C’est ainsi qu’il rencontre Aragon en une première fois mémorable. Les Amis de la culture le conduisent aussi chez les Haviland, par qui il va découvrir le théâtre et Shakespeare « à mon sens le plus divin poète de toute la création ». GE noue aussi des liens d’amitié avec Robert Margerit, alors critique littéraire du Populaire du Centre. C’est chez lui, à Thias, que le couple Clancier sera hébergé au retour de Paris en 1940.
A Paris, un heureux hasard veut que Gabriel Audisio habite le même immeuble ! Il met GEC en rapport avec Fernand Marc. Guy Lévis Mano accepte d’éditer son livre de poèmes Les Visages sauvés.
A Toulouse, où GEC poursuit sa licence de philo pendant la guerre, il suit les cours de Jankélévitch, avant que ce dernier ne soit forcé à se cacher ; il s’arrête à Carcassonne près de Bousquet, le « veilleur de silence ». Joë Bousquet, « le héros mystique emmuré dans sa chambre de Carcassonne, à mes yeux preuve vivante de la toute-puissance de la poésie face aux forces de la mort ». Sur ce lit où il gisait devant lui, GEC le voit « victorieux du temps et, en ces jours où la France elle aussi gisait détruite, victorieux de l’Histoire ».
Les propos de ces grands esprits contribuent, envers et contre tout, à maintenir en lui l’espoir.
A Limoges, pendant l’occupation, G.E. fait encore la connaissance de Luc Estang, un autre poète des Cahiers du Sud , il travaille au journal La Croix replié là-bas ; naît entre eux, entre le croyant et « le sceptique congénital », une « sympathie disputeuse », liés par le rejet du nazisme et de ses alliés. GE rencontre aussi l’homme de théâtre Maurice Jacquemont, replié à Limoges de 41 à 43, qui lui inspire l’amour du théâtre et l’envie d’écrire pour la scène : « il me paraissait aller de soi que création poétique et création théâtrale s’inscrivaient dans la même résistance à l’inhumanité ». Au début de la guerre, GE s’essaie au théâtre, avec une sorte de fable en un acte et trois personnages, L’homme qui prenait le vent.
En mars 44, GEC se rend à Paris où il est hébergé par Jean Blanzat et sa femme. Mauriac s’y cache, la sympathie pour l’ «académicien résistant » est immédiate. L’arrestation de Jean Paulhan permet de mesurer quel danger pesait alors sur ces résistants.
De retour à Limoges, GEC reçoit la visite de Francis Ponge, qui lui propose d’être le co-responsable du Front national (organisation paracommuniste) pour Limoges et la Haute-Vienne, il refuse (ce sera Luc Estang).
On notera que GEC se révèle un excellent critique de peinture : le premier chapitre débute par la description d’une toile de Modesto Cadenas, assassiné par « ceux de la Phalange ». GEC évoque « le lyrisme solaire de la toile » qui rappelle par un contraste brutal, « la mise à mort de l’artiste assassiné pour avoir osé rêver d’une fraternité de la beauté ». Il rencontrera d’autres peintres qui deviendront des amis : Lucien Coutaud, Georges Magadoux,  Jacquement, qui mourra prématurément. Si Robert Margerit se présente aux yeux de GE uniquement comme écrivain, il est également peintre et le chapitre XVIII raconte l’histoire plaisante d’un tableau à double fond, qui cache derrière l’érotisme subtil de la première image un nu des plus provocants.
Queneau se présente à GEC en février ou mars 42, sa femme et son fils étant installés pendant la guerre près de Limoges à Saint-Léonard-de-Noblat. Il lui fait rencontrer son ami le peintre Elie Lascaux. Or, le beau-frère d’Elie n’est autre que le grand marchand d’art, Daniel-Henry Kahnweiler, à qui ils vont rendre visite à quelques kilomètres dans leur résidence le Repaire. « Ce fut un monsieur à la courtoisie souriante et sereine qui accueillit en son refuge le jeune poète muet de respect » et d’admiration devant les chefs d’œuvre de l’art moderne que recélait la maison.
Il rencontre à la Libération le grand photographe Izis, le poète Robert Giraud et, dans le Saint-Germain-des-Prés de l’immédiat après-guerre, Antonin Artaud, Prévert ; il retrouve entre autres Queneau (qui le présente au couple Sartre-Beauvoir), Claude Roy, Pierre Emmanuel, Eluard…
Au-dessus de tous, il y a Max-Pol Fouchetl’ami « qui me deviendrait si cher ».
*
Nous abordons ici  le rôle qu’a joué Fontaine, grande revue littéraire de la résistance intellectuelle. GEC, depuis l’été 1940, a été membre du comité de rédaction, puis après novembre 1942, correspondant clandestin de cette même revue.
  GEC a été marqué par le meurtre de Federico Lorca : « pour les poètes de ma génération, le meurtre de Federico Lorca sonna la glas de cette espérance que nous avions d’un futur orienté par l’exigence poétique ». D’autre part, il avait découvert dans les Cahiers du Sud « que la littérature demeurait inséparable des valeurs de liberté ».
Dès le premier chapitre intitulé « No pasaran » est clairement posée la problématique du livre tout entier : que vaut, face aux forces de mort, la littérature ? GE y revient de façon constante, tout au long de ses Mémoires.
On comprend ainsi l’importance des revues – les Cahiers du Sud Fontaine, Poésie 40, et plus tard Confluences  « Ces petites revues témoignaient, oh ! sans doute d’une façon aussi dérisoire qu’émouvante, que malgré tout, la passion de la liberté, de l’intelligence, de la beauté, comme une flamme vacillante mais tenace, continuait à luire », et cela contre la fausse Nouvelle Revue française dirigée par Drieu la Rochelle. Paris une fois aux mains de l’ennemi, se dessinera une nouvelle géographie, provinciale et algéroise, pour la poésie et ses revues.
Malgré son intérêt pour les autres revues, c’est Fontaine qui, aux yeux de GEC, se situera au niveau le plus élevé « d’exigence littéraire, intellectuelle et civique ».
L’été 40 paraît le numéro 10 de Fontaine : GEC évoque quel « vigoureux antidote » il constitua au découragement ambiant. Le numéro 11 témoigne « d’une même passion pour la poésie – poésie que les circonstances nous faisaient plus que jamais percevoir comme l’élan même d’une irréductible et fertile liberté ! » mais « Fontaine se gardera de limiter la poésie à la seule production d’écrits de circonstance, soit, en l’occurrence, de condamnation de la tyrannie. Fontaine tiendra à magnifier l’esprit de résistance intrinsèque à toute poésie authentique » et c’est ainsi qu’un numéro spécial La Poésie comme exercice spirituel plaidera pour un poésie en quête de la connaissance intérieure.
En sorte qu’en janvier 1941, paraît à Alger le n°12 de la revue Fontaine, où se dessine « une sorte de front des poètes, des écrivains, des journaux, revues, publications oeuvrant, à contre-courant du pouvoir, pour affirmer une résistance de l’esprit ». « Pour Fontaine, la défense de la poésie était indissociable de celle des innocents persécutés, en l’occurrence les juifs, non seulement traqués par les nazis, mais mis au ban de la société par l’Etat français. Un texte de Max-Pol Fouchet… constituait une sorte de manifeste », définissant « le sens de notre engagement poétique à l’époque alors d’une déshumanisation forcenée ». Et GEC d’ajouter : « Ces pages m’étaient preuves de la pérennité, envers et contre tout, d’une vie à visage humain. Elles m’aidaient à croire en l’avenir, malgré l’horreur régnante : demain rejetterait au néant le monde de crime et de mort qui nous emprisonnait ».
Septembre 1941 est marqué par les rencontres de Lourmarin,  organisées par l’association artistique Jeune France sous l’égide de Pierre Schaeffer et Emmanuel Mounier. « Je tenais Emmanuel Mounier en grande estime » pour les thèses exposées dans sa revue Esprit « en quête d’un progrès social soucieux de respecter la liberté de la personne humaine ». Outre Pierre Emmanuel et Loys Masson, GEC y sympathise avec Max-Pol Fouchet : « Ma rencontre avec Max-Pol Fouchet fut enthousiaste et fraternelle ».
1943 marque une étape dans l’action résistante de GEC : la revue ne parvient plus dans l’Hexagone ; GEC, qui souffre d’être coupé de l’action collective de résistance intellectuelle, projette de publier un cahier d’hommage à Fontaine mais doit y renoncer,  notamment sous la pression d’Aragon qui « régnait sur l’ensemble de la jeune poésie de résistance ». C’est alors qu’un bref message adressé de Tanger par Georges Blin demande à GEC de recueillir des textes, de les lui envoyer afin qu’il les communique à Max-Pol Fouchet pour les publier. GEC accepte cette mission, sans savoir encore comment il va l’assumer. Queneau, Leiris seront les premiers à lui fournir des textes.
Pour déjouer la surveillance, GEC ne manquera pas de varier les lieux d’où il postera ses envois destinés à Fontaine. Il n’en reste pas moins sujet parfois à de vives angoisses au cas où il se ferait prendre.
Quand il recevra, à l’automne 44, l’ensemble des numéros (25 à 36) de Fontaine parus depuis novembre 42, GEC se jettera dans leur lecture, tel « un homme affamé ». Il y retrouvera entre autres deux poètes nouveaux, Francis Ponge, avec Le Parti pris des choses et Eugène Guillevic avec Terraqué, admiratif plus que jamais de « l’engagement fervent » de son ami Max-Pol Fouchet : « ce m’était une joie de reconnaître dans la plupart des cahiers la présence des écrits que j’avais envoyés clandestinement comme « autant de bouteilles à la mer ».
Notons encore que dès la fin de 1943 étaient parachutés par la Royal Air Force, mêlés aux armes dans les containers, des exemplaires miniaturisés de Fontaine qu’un maquisard pouvait tenir dans la paume d’une main : « c’était une autre arme, celle de l’esprit, celle de la pensée, de l’imagination et de la poésie ».
Les commémorations que GEC dépeint ensuite avec finesse montrent que la résistance intellectuelle et spirituelle est une résistance qui est restée secrète et n’a pas été reconnue. Au lendemain de la guerre, GEC continuera avec plaisir sa chronique sur les livres de poésie dans Fontaine.

Le Temps d’apprendre à vivre est un document d’importance sur l’histoire collective autant que sur le rôle de la littérature, à travers la revue Fontaine, pendant la guerre.
Il faudrait encore parler de personnages originaux dont GEC narre l’étonnante histoire, comme le cousin Vassili ; d’anecdotes hautement comiques. Le livre est à cet égard composé d’une grande variété de tons. Par exemple, le chapitre XXI, qui relate la visite du Maréchal Pétain à Limoges, est remarquable par la colère à peine contenue, l’ironie cinglante d’un Clancier dont l’esprit critique est plus aigu que jamais.
Ce qui frappe, c’est l’acuité du sens critique, l’ouverture et l’honnêteté d’esprit d’un homme ennemi de toute position partisane, qui appelle de toutes ses forces « l’avènement du Bien ».
Béatrice Marchal



dimanche 8 mai 2016

Samedi 21 mai 2016: Les Mémoires de Georges-Emmanuel Clancier , Le Temps d’apprendre à vivre.

 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

 

a l'honneur de vous inviter à la séance du
Samedi 21 mai 2016 à 16 h 15 précises

à la Brasserie Lipp
151, Boulevard Saint-Germain à Paris 6ème


 Les Mémoires de

Georges-Emmanuel Clancier :

Le Temps d’apprendre à vivre.

(Éditions Albin Michel)


Séance coordonnée par Béatrice MARCHAL

dimanche 27 mars 2016

Séance du 9 avril 2016: « Claude VIGÉE, Vie j’ai, ou l’inceste heureux » par Anne MOUNIC


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

a eu l'honneur de recevoir le
Samedi 9 avril 2016, à la Brasserie Lipp

Anne MOUNIC
Anne Mounic et Béatrice Marchal
Anne Mounic et Béatrice Marchal

qui nous a présenté la poesie de Claude Vigée:
 
 « Claude VIGÉE,
Vie j’ai, ou l’inceste heureux »


Daniele Corre



















La capacité de la salle est limitée par la réglementation sur la sécurité des établissements recevant du public. En cas d’affluence, priorité sera donnée aux adhérents du Cercle. Les autres personnes seront admises dans la limite des places disponibles.

Le Comité Aliénor


Séance suivante, attention déplacée au 21 mai 2016 :
Les Mémoires de Georges-Emmanuel Clancier,
Le Temps d’apprendre à vivre.

dimanche 28 février 2016

Séance du 12 mars 1016: « André du BOUCHET, écrire à sa main » par Didier CAHEN


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft




a eu l'honneur de recevoir lors la séance du
Samedi 12 mars 2016


Didier CAHEN qui a présenté
« André du BOUCHET, écrire à sa main »


Lors de cette présentation les voix de Colette Klein et de Jean-François Blavin ont donnés à entendre les textes de du Bouchet

Le Comité Aliénor

samedi 30 janvier 2016

Séance du 13 février 2016: « Jean Rousselot, le poète qui n’a pas oublié d’être » par Christophe DAUPHIN


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

a eu l'honneur de recevoir lors dela séance du
Samedi 13 février 2016
à la Brasserie Lipp (salle du 1er étage)
Christian Dauphin
Christian Dauphin

 « Jean Rousselot,
le poète qui n’a pas oublié d’être »

par

Christophe DAUPHIN



La capacité de la salle est limitée par la réglementation sur la sécurité des établissements recevant du public. En cas d’affluence, priorité sera donnée aux adhérents du Cercle. Les autres personnes seront admises dans la limite des places disponibles.

Le Comité Aliénor


Séance suivante le 12 mars 2016 :
« André du BOUCHET,  écrire à sa main … »
par Didier CAHEN

Consulter notre site : http://cerclealienor.blogspot.fr/

vendredi 25 décembre 2015

Séance du Samedi 9 janvier 2016 : « Marguerite Duras. L’illimité d’un imaginaire » par Joëlle PAGÈS-PINDON


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft
 par la voix de sa présidente Béatrice Marchal a reçu Joëlle Pingès-Pindon

 lors de sa séance du

Samedi 9 janvier 2016à la Brasserie Lipp 
Joëlle Pagès-Pindon, Béatrice Marchal


 « Marguerite Duras. L’illimité d’un imaginaire »

par

Joëlle PAGÈS-PINDON

Joëlle Pagès-Pindon


Joëlle Pagès-Pindon, Bétrice Marchal, Colette Klein


Le Comité Aliénor


Séance suivante le 13 février 2016 :
« Jean Rousselot, le poète qui n’a pas oublié d’être »
par Christophe DAUPHIN

lundi 14 décembre 2015

Séance du 12 décembre 2015: Le prix ALIENOR 2015 est décerné à Jean-Pierre THUILLAT


Prix Aliénor. Jean-Pierre Thuillat     

Présentation par Béatrice Marchal

Béatrice Marchal

 

                   

 Dans les Ruines (éditions L’Arrière-Pays, 2014)


Nous aurons trop dormi
entre la neige et ses feuillages
là où les oiseaux du matin
se perdent au moindre coup de vent.

Voici venus les temps du soufre. (p. 53)
La  résonance de ces vers après les attentats du 13 novembre n’en confirme pas moins l’importance première du vent : Dans les Ruines est en effet un livre de vent, comme le définissent l’exergue empruntée à Christian Bobin et le beau dessin initial d’Isabelle Raviolo. Oui, un livre fait de vent, si léger que le vent l’emportera sans tarder, semble dire son auteur. Pourtant, dans le poème liminaire, placé en avant des trois parties, Jean-Pierre Thuillat affirme que si, artisan des mots, il n’a pas démérité de son père qui était, lui, artisan du bois, son travail de poète n’en est pas plus noble, n’en a pas plus de valeur pour autant. Sa comparaison du livre avec un meuble fabriqué se poursuit jusqu’à la dernière strophe, « la patine des ans » que l’un et l’autre devront attendre témoignant d’une forme de pérennité. D’emblée se trouve donc posée une interrogation essentielle, celle de la transmission entre les générations humaines, interrogation que vont décliner trois parties successivement intitulées « Marmailles », « Dans les Ruines » et « Mutants » : nos enfants, nos « marmailles » comme on les appelle à La Réunion, sont des « mutants », pourront-ils observer la même fidélité à l’égard de ce dont nous avons hérité ? Et dans un monde où tout est inéluctablement promis à la ruine, à quel avenir nos écrits peuvent-ils prétendre? 
Jean-Pierre Thuillat, Béatrice Marchal, Guy Chaty


La première partie est habitée de multiples enfants : « Marmailles » bien sûr, ces petits-enfants dont la venue n’est pas, malgré certaines ressemblances troublantes, remplacement des « morts qui nous habitent », « ils viennent en plus ».
Mais il y a aussi l’enfant qui survit dans le poète : « Nous délivrerons-nous jamais/de cette enfance… » ; l’acuité et la pureté de ses souvenirs lui permettent de rester fidèle à sa vérité : « il nous importait peu que l’or/fût l’étalon d’un monde adulte », indifférent aux  « vraies tâches dérisoires » de ce dernier.
Si la « barbarie de l’enfance », souvent cruelle, est réelle, elle ne reste en définitive, avec ses guillotines et ses sentiers de guerre « pour rire », que jeux dénués d’hypocrisie, sans enjeux de destruction. 
Jean-Pierre Thuillat

Il ressort de Marmailles que la vie de l’enfant peut ne pas mourir, quand nos souvenirs en gardent la magie, quand, malgré le temps qui « s’étiole » inexorablement, le regard « demeure/ fidèlement aux croisées de l’enfance ». Le malheur lui-même « entrouvre/au fond des yeux d’enfants/ [d]es portes » où l’art saura puiser matière. Assurément c’est dans l’enfant, si vieux soit-il et à quelque époque que ce soit, que subsiste la force de création. « Ce qui existe », nous n’avons chance de l’appréhender que dans un éclair fugitif, « seulement dans les yeux d’enfants/ le matin/ au premier réveil ». Comment s’étonner dès lors que les morts dont nous chérissons la mémoire aient « des visages d’enfants/ bien vivants/ même souriants » ? Comment s’étonner aussi que « ce qui compte/ n’a pas de nom », si ténu et si libre, qu’aucun vocable ne peut le rejoindre ni le réduire.
Jean François Blavin

Omniprésente dans la seconde partie, la nostalgie est d’abord celle de temps médiévaux chers à Jean-Pierre Thuillat, qui la rend d’autant plus poignante qu’il en évoque discrètement les amours enfuies. Cette nostalgie se fait « plainte » quand il déplore l’oubli des troubadours, Bertran de Born, Bernard de Ventadour, et de leur parler « qui avait réveillé les gens d’ici ».
Oui, le temps s’en va, d’où ce cri qui résume la contradiction à laquelle se heurte notre condition : « Précipités dans l’éphémère/nous qui ne vivions/que pour la permanence ! »
Cependant, pour éviter à la nostalgie de devenir pesante, l’humour prend le relais, un humour qui se fait ironie grinçante dans « Mémorial pour le siècle XX » (lire p. 36), et tourne carrément à la farce dans l’évocation d’un Dieu fatigué de sa création et « parti jouer/ailleurs dans l’Univers ».
La prédiction est terrible : « nous nous retrouverons seuls/plus nus que ceux de la Genèse/éperdus de ce vide soudain », le désarroi sera total dans un monde dont nous percevrons « la cruauté d’une mer déchaînée ».
Guy Chaty, Colette Klein, Jean François Blavin

Aussi sommes-nous bien au milieu des « ruines », « dans les ruines », archéologues du passé qui anticipent celles du futur : « Où que nous allions/nous marchons/ sur les décombres de demain ». Sur le plan individuel, c’est la mort qui nous guette, compromettant la tentative de survie : « pour qui écrire/quand partout l’ombre/dissout le visage des roses ? ». Le découragement, plus précisément le désenchantement triomphe : « Nous aurons beau dire et beau faire/ les temps sont abolis du partage et du miel ». Face à « la misère du monde », « les paroles ont un goût d’amer » : le poète se défie d’elles, tenté par le silence et la fuite hors « de ce monde » pour partager le sort des plus déshérités ou vivre jusqu’à la mort son fidèle amour –  « nous serons encore deux »…
Colette Klein

Pourtant, malgré la désespérance évidente, subsistent des lueurs d’espoir : « Ce qui perdure/habite l’invisible ». S’il nous semble user nos forces à cette quête, reconnaissons pourtant qu’en y prenant garde, des signes insistent qui demandent à être déchiffrés, comme l’évoque le beau poème « Spleen du soir ». (Lire p. 40)
Cette désespérance n’occulte ni n’entame un art de vivre qui consiste à se satisfaire des limites du « jardin/de ses pères », à n’accepter aucun luxe, « insulte aux milliards/d’affamés », avec, pour seul trésor, la mémoire et le « désir de comprendre » ; art de vivre lui-même adossé à ce credo : « Seule vérité / le temps/que l’on met/pour grandir ».
Jean-Pierre Thuillat

« Mutants », la troisième et dernière partie, significativement placée sous l’autorité d’Aldous Huxley et de Michel Serres, fait le constat d’une jeunesse radicalement différente, séparée de ses pères par un rapport nouveau à la langue, à l’espace et au temps : « le cri des paroles se perd/dans le brouhaha des images./ Que pourrons-nous vous dire encore/ étranges étrangers nos fils/ si vous avez perdu la clé/ qui conduisait à nos mémoires ?» Jeunesse « pressé[e] de partir », toujours en mouvement, étrangère aux trésors que révèle au poète la patience, mais qui s’en désintéresse au point de sembler les annihiler, d’où ce cri, non exempt de stupéfaction ni de désarroi, où culmine le sentiment désenchanté d’une perte de repères : « Que ce qu’on a cru, n’ait plus cours ! » Le regret du poète d’être incompris par d’ « hypocrites lecteurs » qui refusent de voir en lui « [leur] ombre, [leur] reflet » aimant et compatissant se mue en élégie… avant le sursaut final : « Et pourtant… ». Jusqu’au bout, le poète se battra, le désespoir et la mort n’auront pas le dernier mot : « Vos tempêtes, je les apaise d’un soupir et je refais surface à la barbe des dieux ». 
 
En dépit de constats négatifs qu’il dresse, tout au long du recueil, avec lucidité, le poète Jean-Pierre Thuillat ne renonce pas. Sa poésie, tout en finesse, qu’il définit lui-même comme essentiellement intuitive, n’en confirme pas moins son recueil comme un livre de vent, parce que cet élément, qui le hante, n’est pas à ses yeux facteur d’une absolue dépossession : « Apprivoiser le vent/demeure notre espérance » ; le vent peut s’avérer une aide à qui tente, en « recueill[ant] les mots/des morts », de retenir la richesse de notre présent, afin d’y raviver les lumières du présent qui fut le leur. Si fortes que soient les apparences incitant au découragement, le poète poursuivra ses efforts et maintiendra son cap, car ce qui seul importe, c’est que, envers et contre tout, « au-delà du naufrage perdure un fragment de parole » !